


07 MAI 2019 | PAR NOTRE EXPERT EN IMMOBILIER LEX THIELEN, AVOCAT A LA COUR
Selon la loi modifiée du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, les copropriétés sont obligatoirement représentées et gérées par un syndic. Nous allons analyser ci-dessous un certain nombre des aspects les plus importants de ce mandat du syndic, à savoir sa nomination et sa rémunération, ainsi que la nature, la durée et la fin de son mandat. Ses missions, la responsabilité de sa gestion et la portée du quitus seront examinées ultérieurement, dans des articles à part.
Nature du contrat
Le contrat qui lie le syndic au syndicat des copropriétaires est un contrat de mandat. Il implique un pouvoir d’engager le mandant ; ainsi, lorsque le mandataire (en l’occurrence le syndic) passe un contrat avec un tiers au nom et pour le compte de son mandant - le syndicat des copropriétaires - ce contrat est censé conclu directement entre ce tiers et le mandant.
Le mandat est un contrat "intuitu personae", c.-à-d. conclu en raison des qualités personnelles du cocontractant. Cela implique que le syndic doit exécuter personnellement sa mission. Il ne saurait donc se faire substituer dans sa fonction ou sous-traiter son mandat, même partiellement. Mais il peut se faire représenter par l’un de ses préposés.
Nomination du syndic
A part les cas d’exception de nomination en justice d’un syndic judiciaire ou d’un administrateur provisoire, le syndic est obligatoirement nommé par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires.
La majorité requise pour la nomination du syndic est la majorité de tous les copropriétaires, c.-à-d. une majorité « absolue ». Cette majorité se situe à 501 millièmes de la copropriété toute entière, et non pas seulement à 50% + 1 des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée générale.
Toutefois, si cette majorité absolue n’est pas atteinte, une nouvelle assemblée générale sera convoquée lors de laquelle une majorité des copropriétaires présents ou représentés suffit pour sa nomination, donc une majorité "relative" ou "simple", sans conditions de quorum.
Est-ce que l’assemblée générale peut se prononcer par un seul vote sur la désignation du syndic et les conditions de son mandat ? En principe, chaque décision figurant à l’ordre du jour de l’assemblée générale ne peut avoir qu’un seul objet. Par ailleurs, la décision sur la désignation du syndic doit être prise à la majorité absolue, tandis que les conditions de son mandat, et notamment sa rémunération, sont déterminées à la majorité relative.
Sauf circonstances exceptionnelles, un tel vote unique tant sur la nomination du syndic que sur les conditions de son contrat sera cependant en principe reconnu comme valable par les juges en cas de contestation, à condition que le vote unique réunisse la plus forte des deux majorités requises, à savoir la majorité absolue.
Début du mandat
Le mandat, pour prendre vie, requiert l’acceptation des deux parties en cause. Un écrit n’est pas nécessaire pour donner naissance à ce contrat. La nomination du syndic se fait immédiatement et de plein droit au moment même où l’une des parties a accepté l’offre de l’autre. La signature matérielle du contrat n’est que la formalisation de contrat et n’a pas d’incidence sur l’existence même ou le début du mandat.
Le mandat du syndic commence donc :
> au moment où l’assemblée générale s’est exprimée par un vote positif dans les conditions de majorité requises pour le syndic, si ce vote a porté sur une offre du syndic ;
> au moment où le syndic a accepté le mandat lui proposé par l’assemblée générale, si cette dernière s’est prononcée dans les conditions de majorité requises pour un syndic qui ne lui avait pas fait d’offre préalable, ou si l’assemblée générale s’est prononcée en faveur de conditions différentes de celles proposées par le syndic.
Les parties peuvent toutefois convenir d’un commun accord de différer la date d’entrée en fonction du syndic, en la fixant à un moment ultérieur. La durée du mandat se comptera dans ce cas à partir de cette date effective d’entrée en fonction, et non à partir du vote de l’assemblée générale ou de l’acceptation du mandat par le syndic.
Par contre, malgré une position contraire adoptée par certains auteurs, il nous semble difficile de pouvoir donner un caractère rétroactif au mandat et de fixer son début à une date antérieure à l’assemblée générale. Si une ratification par l’assemblée générale d’actes irréguliers en raison d’un mandat initialement non valable du syndic est possible, au contraire, une décision de l’assemblée générale ne saurait fixer la date d’entrée en fonction du syndic à une date antérieure à sa nomination régulière.
Durée du mandat
La durée pour laquelle le syndic est nommé ne peut dépasser 3 ans pile. Il est important de noter qu’un mandat accordé par l’assemblée générale pour une durée supérieure à 3 ans n’est pas nul ; seulement le mandat cesse de plein droit le jour précis où la période de 3 ans est révolue.
En principe, dès le moment de l’expiration du mandat, le syndic se trouve dessaisi et n’a plus qualité pour agir. Toutefois, la loi du 16 mai 1975 lui permet d’accomplir tous actes conservatoires dans l’intérêt du syndicat aussi longtemps que son mandat n’a pas été renouvelé ou qu’un nouveau syndic n’a été nommé, et de convoquer l’assemblée générale en vue de pourvoir à la vacance.
Le mandat de syndic ne peut pas faire l’objet d’une tacite reconduction. La loi sur la copropriété est formelle. Il faut un vote de l’assemblée générale aux conditions de majorité requises pour reconduire le syndic dans ses fonctions. Une clause de tacite reconduction dans le contrat du syndic serait nulle et sans aucun effet.
Le mandat peut cependant être renouvelé et ce renouvellement peut se répéter indéfiniment, pour des périodes successives de 3 ans au maximum. Il faut toutefois que le renouvellement soit voté chaque fois de nouveau par l’assemblée générale qui, à cette occasion, est d’ailleurs libre de modifier les conditions du contrat, sous réserve d’acceptation du syndic.
Rémunération du syndic
Selon l’article 1986 du code civil, le mandat est en principe gratuit, sauf convention contraire. Il faut donc qu’avant l’acceptation du mandat, il y ait un accord du syndic et du syndicat des copropriétaires sur le fait qu’il s’agit d’un mandat rémunéré et il faut spécifier aussi son montant ainsi que, de préférence, les prestations sur lesquelles porte cette rémunération.
Ces précisions sur la rémunération du syndic sont nécessaires, non pas pour la validité du contrat de mandat lui-même, mais pour le droit du syndic de toucher des honoraires.
Ainsi, si des prestations particulières doivent être facturées à part des missions légales, il faut que le contrat le prévoie expressément. Dans le cas contraire, le syndic risque de se voir refuser le paiement de ces suppléments, à moins que le syndicat des copropriétaires ne les accepte a posteriori. Il en est de même de l’indexation de ses honoraires, qui ne saurait se faire si elle n’est pas expressément convenue.
Obligations du syndic
Le syndic a certaines obligations à remplir dans le cadre de son mandat. Il a tout notamment une obligation de conseil à l’égard de la copropriété. Ce devoir de conseil inclut tout d’abord une bonne connaissance de la législation applicable et des diverses obligations légales auxquelles est soumise la copropriété. Comme exemples d’obligations de conseil on peut citer notamment le respect des exigences légales en matière d’assurances et de sécurité, p.ex. en ce qui concerne les exigences en matière d’ascenseurs, ou encore de la réglementation communale du lieu de situation de l’immeuble.
En tant que mandataire, le syndic est par ailleurs tenu de rendre compte de l’exécution de sa mission à l’assemblée générale. Cette reddition des comptes concerne non seulement sa gestion financière de la copropriété, mais tous les actes accomplis dans l’exercice de sa fonction.
Limites des pouvoirs du syndic
Il est important de savoir que les pouvoirs du syndic sont limités, d’une part, par les dispositions légales et conventionnelles et, d’autre part, par la destination des parties de l’immeuble.
Ainsi le syndic exercera tous les pouvoirs, mais uniquement les pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions légales et réglementaires, par le règlement de copropriété et par l’assemblée générale des copropriétaires. En tant que mandataire il ne peut aller au-delà de son mandat.
Par ailleurs le syndic n’a compétence que pour ce qui concerne les parties communes de l’immeuble. Il n’a pas à s’immiscer dans la gestion des parties privatives. Il n’en est autrement que si les parties communes sont concernées par un dommage qui trouve son origine dans ou qui affecte aussi une partie privative de l’immeuble.
Enfin, le syndic ne saurait en aucun cas empiéter sur les compétences de l’assemblée générale. Il ne saurait pas non plus refuser d’exécuter une décision prise par l’assemblée générale car il n’a à juger ni de leur opportunité ni de leur régularité, sauf à avertir l’assemblée générale de l’irrégularité éventuelle.
Dans ce contexte il y a lieu de signaler un apparent conflit entre, d’une part, l’obligation du syndic de veiller au respect du règlement de copropriété et, d’autre part, son obligation d’exécuter les décisions de l’assemblée générale, si une telle décision est contraire au règlement de copropriété. Dans ce cas, le syndic doit exécuter la décision de l’assemblée générale. En effet, la loi ne l’investit pas d’un pouvoir d’autorité publique pour surveiller le respect du règlement de copropriété ; il exerce cette mission au nom du syndicat des copropriétaires, en tant que mandataire de ce dernier. Si dès lors son mandant, donc le syndicat des copropriétaires, décide d’aller à l’encontre de son propre règlement de copropriété, le syndic doit respecter et exécuter cette décision.
Fin du mandat
Le mandat du syndic peut prendre fin de diverses façons.
1. Expiration du terme du mandat
L’expiration du terme du mandat, que nous avons examinée plus haut, en parlant de sa durée, est évidemment le mode usuel qui met fin aux fonctions du syndic.
2. Révocation
Le mandat du syndic étant un contrat "intuitu personae", il peut faire l’objet d’une révocation à tout moment par une décision de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires, peu importe d’ailleurs qu’il ait été nommé à durée déterminée ou indéterminée.
Toutefois une différence existe entre la révocation d’un syndic nommé à durée indéterminée et celle d’un syndic nommé à durée déterminée pour ce qui est des conséquences financières éventuelles de la révocation d’un tel mandat.
En effet, si le syndicat des copropriétaires n’a pas besoin de justifier sa révocation en cas de durée indéterminée du mandat et ne saurait être tenu de dommages-intérêts en raison de cette rupture du contrat - hormis le cas où la révocation constituerait un abus de droit - il en est différent si le mandat est à durée déterminée. Dans ce cas, le syndic peut lui réclamer des dommages-intérêts si la révocation n’est pas justifiée par des motifs légitimes, mais ce sera évidemment à lui de prouver alors tant le caractère abusif de la révocation que le préjudice subi.
3. Démission
Il y a ensuite la démission du syndic. Tout comme le mandant a le droit de révoquer le mandataire, ce dernier peut lui aussi mettre unilatéralement fin à tout moment au mandat en démissionnant. Toutefois cette démission ne doit pas se faire de façon abusive ou préjudiciable pour le syndicat des copropriétaires.
Si le syndic démissionne sans motifs légitimes, et cause ainsi un préjudice au syndicat des copropriétaires, ce dernier peut lui demander des dommages-intérêts. Il en serait de même en cas de démission sans préavis raisonnable, à moins que la démission ne soit justifiée par un comportement fautif grave du syndicat des copropriétaires.
4. Autres cas de fin du mandat
Une autre cause de fin du mandat du syndic est le changement de syndic. Suivant la loi du 16 mai 1975, les fonctions du syndic cessent de plein droit à compter de l’acceptation de son mandat par un nouveau syndic désigné par l’assemblée générale.
Enfin, le décès, la mise en liquidation, la faillite ou la mise sous tutelle du syndic sont d’autres raisons de fin du mandat de même que d’ailleurs la liquidation du syndicat des copropriétaires, p.ex. en raison de la réunion de tous les lots entre les mains d’un seul et même propriétaire.
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Par Lex Thielen, Avocat à la Cour et auteur des livres « Les professions de l’immobilier en droit luxembourgeois », Editions Larcier, 2010, « Le contrat de bail », Editions Promoculture/Larcier 2013, « Tout savoir sur l’immobilier », Editions Promoculture/Larcier (1ère édition 2015, 2e édition novembre 2016), « Immobilienrecht in Luxemburg, einfach erklärt » (Editions Promoculture/Larcier 2016) et « Le droit de la construction au Luxembourg » (Editions Promoculture/Larcier février 2018).