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          Le compromis de vente

          Le compromis de vente

          par Lex Thielen1

          Définition du compromis de vente

          Le compromis de vente d’un immeuble est une promesse synallagmatique (une promesse de part et d’autre faisant naître des obligations réciproques pour les parties) par laquelle une personne s’engage à vendre un bien immobilier à une autre personne qui s’engage à l’acquérir à un prix et à des conditions déterminés.

          En fait le terme de « compromis  ne correspond pas à la terminologie juridique propre en la matière car cette notion vise, dans son sens strict, la convention par laquelle deux parties soumettent la solution d’un litige à la procédure d’arbitrage prévue par les articles 1224 et suivants du nouveau code de procédure civile. Aussi le code civil utilise-t-il le terme de « promesse de vente . Cependant, comme c’est souvent le cas, ce terme s’est imposé dans le public et il fait désormais partie intégrante du vocabulaire juridique en matière de vente immobilière.

          Champ d’application

          Un compromis de vente est toujours possible en matière immobilière, à l’exception de la vente d’un immeuble à construire. Celle-ci fait l’objet d’une législation spéciale et le code civil prévoit que seul un contrat de réservation tel qu’il est défini par l’article 1601-13 du code civil peut précéder le contrat de vente à terme ou la vente en l’état futur d’achèvement. Toute autre convention ayant pour objet la réservation d’un immeuble à construire, tel que notamment un compromis de vente, est nulle.

          Conditions de forme et de fond

          Le compromis de vente n’est pas en soi soumis à une formalité particulière et un accord verbal peut suffire en principe. Mais en raison de l’exigence de l’article 1341 du code civil de prouver par écrit tout acte juridique portant sur une somme ou valeur supérieure à un certain seuil (actuellement fixé à 2.500 euros), en pratique les parties sont obligées de passer le compromis par écrit pour pouvoir le prouver en cas de besoin envers le cocontractant.

          Quant aux conditions de fond du compromis de vente, elles sont les mêmes que pour tout contrat : chaque partie doit avoir la capacité et le pouvoir de procéder à l’opération envisagée,  leur consentement doit être libre, l’objet doit être déterminé (le bien immobilier ainsi que le prix), et la cause de la vente doit être réelle et licite.

          Utilité du compromis de vente

          Quelle est l’utilité du compromis de vente si celui-ci constitue déjà en lui-même un engagement irréversible de vente et d’acquisition pour les parties ?

          La première raison tient à l’obligation de faire constater la vente immobilière par un acte authentique. Certes, l’acte notarié n’est pas nécessaire pour que la vente soit valable entre les parties. Mais le législateur impose l’obligation d’un acte authentique afin de rendre la vente publique et donc opposable aux tiers. Or, le notaire n’étant d’habitude pas présent lorsque les parties tombent d’accord sur l’opération immobilière à réaliser, et le rendez-vous chez le notaire pouvant prendre un certain temps, il est donc important pour les parties de pouvoir clouer leur accord dès qu’elles ont toutes les deux exprimé leur consentement à la vente, afin d’éviter que l’autre partie ne se détracte avant le passage chez le notaire.

          La seconde raison tient à la possibilité de prévoir une condition suspensive dans le compromis.

          Condition suspensive

          Souvent l’une partie des parties, en général l’acheteur, entend soumettre l’opération de vente à la réalisation préalable d’une condition suspensive avant d’être engagé définitivement au transfert de propriété. Il s’agit en l’occurrence le plus souvent de l’accord d’un établissement bancaire sur un prêt destiné à financer l’acquisition, mais il existe d’autres raisons pour prévoir une condition suspensive, p.ex. l’obtention d’une autorisation administrative déterminée ou la vérification de l’état des hypothèques grevant le bien immobilier.

          Souvent les parties prévoient un délai dans lequel la partie au bénéfice duquel la condition suspensive a été introduite doit réaliser celle-ci, sous peine de caducité du compromis de vente. Si aucun délai n’est prévu, il appartient au juge qui est saisi de la demande en résolution du compromis de vérifier s’il est devenu certain que la condition ne se réalisera pas.2 Les parties peuvent d’ailleurs renoncer au délai prévu pour la réalisation de la condition et cette renonciation peut même être tacite ; la preuve d’une telle prorogation de délai doit être prouvée par écrit et ne peut pas être rapportée au moyen de témoignages.3

          Il y a lieu de noter que selon une jurisprudence confirmée par la Cour de Cassation luxembourgeoise, l’acheteur qui s’engage sous une condition suspensive est tenu d’une obligation de coopérer loyalement afin que la condition puisse se réaliser et il doit entreprendre tout son possible pour que l’opération aboutisse.4

          Au cas où la condition suspensive ne se réalise pas, le compromis de vente devient caduc de plein droit et cesse de produire des effets. Une réalisation partielle de la condition suspensive n’est pas considérée comme accomplissement de la condition pour rendre la vente effective ; a ainsi été jugé que si la banque donne son accord pour un prêt d’un montant inférieur à celui demandé conformément au compromis de vente, la condition n’est pas réalisée5.

          Si la condition suspensive ne se réalise pas en raison d’une attitude fautive du cocontractant (p.ex. l’acquéreur n’introduit pas de demande de prêt, la fait délibérément traîner en ne fournissant pas en temps utile à la banque les documents requis ou bien empêche la condition de se réaliser), l’autre partie a le droit de demander l’exécution du contrat après l’écoulement du délai prévu comme si la condition était accomplie.

          Enfin, si l’acquéreur obtient l’octroi du prêt mais omet d’informer le vendeur de la réalisation de la condition suspensive, le vendeur commet une faute s’il vend le bien immobilier à une autre personne sans se renseigner au préalable au sujet du sort du prêt auprès de l’acquéreur, à moins qu’une telle obligation d’information ait été prévue dans le compromis.6

          Est-ce qu’une partie peut faire annuler un compromis de vente ?

          Oui, sous certaines conditions. Tout d’abord les parties peuvent prévoir dans le compromis une clause résolutoire de plein droit en cas d’inexécution de son obligation par l’une des parties. Il y a lieu de noter que l’exécution d’une telle clause n’empêche pas la partie qui peut l’invoquer de poursuivre plutôt l’exécution forcée si elle le préfère.

          En l’absence de clause résolutoire, et si le cocontractant s’oppose à une résolution à l’amiable,  une partie qui souhaite annuler un compromis doit s’adresser au juge pour obtenir une résolution judiciaire. Il en est ainsi non seulement en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations, mais encore p.ex. s’il y a erreur sur la substance même de l’objet. A ainsi été annulé le compromis d’un acquéreur qui a pensé acheter une maison jumelée avec passage latéral sur l’autre côté alors que le terrain à côté de la maison constituait un terrain à bâtir appartenant au vendeur et permettant la construction d’une maison jumelée également de ce côté de la maison.7

          Délai de réitération

          Généralement le compromis de vente prévoit un délai endéans duquel l’acte authentique de vente doit être passé. Ce délai est appelé délai de réitération. Tant sa durée que son point de départ peuvent être librement fixés par les parties dans le compromis.

          Lorsque le délai est dépassé sans que les parties ne soient passées devant le notaire, le compromis ne devient pas pour autant caduc, sauf s’il prévoit une clause résolutoire de plein droit. A l’expiration du délai de réitération, chacune des parties peut mettre l’autre en demeure d’exécuter le compromis et, à défaut, demander au juge soit l’exécution forcée ou la constatation judiciaire de la vente, soit la résolution de celle-ci.

          Clauses de garantie

          Une clause pénale peut être prévue pour la non-réalisation de l’opération immobilière par l’une des parties. Une telle clause a pour objet de faire payer une somme d’argent forfaitaire par une partie au contrat à l’autre lorsqu’elle manque à son engagement. Une telle clause pénale pourrait aussi être prévue pour le dépassement du délai de réitération.

          Le compromis peut aussi contenir une clause de dédit. Celle-ci permet à l’une des parties de se retirer du contrat sans l’exécuter, en payant une somme d’argent déterminée au cocontractant. Il y a lieu de noter que si ce dernier a accepté une clause de dédit, il ne peut pas s’opposer à l’invocation de cette clause par l’autre partie et ne peut donc pas demander une exécution forcée.

          L’article 1590 du code civil prévoit, quant à lui, expressément la possibilité de stipuler des arrhes, ces derniers permettant à chacune des parties de se départir de son engagement. Si c’est l’acheteur qui renonce, il perd la somme versée à titre d’arrhes, si c’est le vendeur, il doit restituer à l’acheteur le double de cette somme.

          Enfin, un acompte peut être prévu également, mais cette hypothèse est plus rare en pratique. Il a cependant l’avantage de garantir au vendeur le paiement – du moins partiel - des montants dus non seulement pour le paiement du prix, mais le cas échéant aussi au titre d’une clause pénale ou de dédit. En l’absence de clause contraire, l’acompte est à restituer au cas où une condition suspensive prévue au contrat ne se réalise pas et rend le compromis caduc.

          Clause de substitution

          Souvent les compromis de vente prévoient une clause de substitution qui permet à l’acquéreur de se substituer une autre personne qui finalement sera l’acquéreur du bien immobilier. Une telle clause est valable, mais la substitution doit être notifiée au vendeur. Il est évident qu’en l’absence de telle clause, une substitution de l’acquéreur n’est pas possible, sauf si le vendeur est d’accord.

          Effets du compromis de vente

          Un compromis de vente est en lui-même un véritable contrat qui engage les parties. Certes le compromis n’ « est pas le contrat de vente, mais aux termes de l’article 1589 du code civil la promesse de vente « vaut  vente lorsqu’il y a consentement réciproque des parties tant sur l’objet que sur le prix. Dès que ce consentement réciproque est réalisé, les effets du compromis sont les mêmes que ceux de la vente elle-même. Si par après l’une des parties refuse de formaliser la vente devant le notaire, l’autre peut en demander l’exécution forcée. Etant donné cependant que le compromis ne vaut que vente mais n’en est pas une, les parties peuvent y renoncer ou déroger d’un commun accord, car la disposition de l’article 1589 du code civil n’est pas d’ordre public.

          Le transfert de propriété se fait-il au moment du compromis ou de l’acte authentique ?

          En principe le transfert de la propriété se fait entre parties au moment de la signature du compromis de vente.

          Si le compromis prévoit une ou plusieurs conditions suspensives, le transfert de propriété est suspendu jusqu’à la réalisation de la dernière de ces conditions. Lorsque toutes les conditions suspensives sont réalisées, le transfert de propriété se fait rétroactivement à la date du compromis de vente. Par contre, si les conditions suspensives ne s’accomplissent pas, le compromis cesse d’exister, l’acheteur est libéré de son obligation et il n’y aura pas de transfert de propriété.

          Cependant les parties peuvent prévoir dans le compromis de vente que le transfert de propriété aura lieu à un autre moment, p.ex. à la signature de l’acte authentique. Dans ce cas, le transfert de propriété se produit au moment stipulé dans le compromis de vente. En cas de difficulté d’interprétation du compromis, il appartiendra au juge de rechercher la volonté des parties.

          Commission de l’agent immobilier

          Très souvent la vente se fait par l’entremise d’un agent immobilier. Le compromis de vente prévoit alors généralement la commission redue à l’agent immobilier et les modalités de son paiement (p.ex. retenue directe par le notaire de la commission du prix de la vente et continuation à l’agent immobilier).

          Qu’est-ce qui se passe si le vendeur vend le bien immobilier à un autre acquéreur avant la signature de l’acte authentique ?

          Il arrive qu’après avoir signé un compromis de vente avec un acquéreur intéressé, le vendeur vende le bien immobilier à une autre personne avant la signature de l’acte authentique avec le premier acquéreur intéressé, p.ex. parce qu’il obtient du second un meilleur prix. Se pose alors la question de savoir auquel des deux acquéreurs sera transféré la propriété.

          La priorité sera accordée dans ce cas à l’acquéreur de bonne foi dont l’acte aura été transcrit le premier par son dépôt au bureau de la conservation des hypothèques, conformément à la législation sur la publicité foncière. Il y a lieu de noter que si les actes authentiques peuvent être transcrits, ceci n’est pas possible pour les actes sous seing privé ; un compromis de vente non authentique ne peut donc être transcrit et un acte notarié de vente aura ainsi toujours la préférence sur un compromis de vente sous seing privé qui lui est antérieur, même si le compromis a été enregistré et a date certaine.

          Au cas où les deux acquéreurs peuvent faire valoir un acte authentique, la préférence sera donnée au titre qui est le premier en date. Si aucun des acquéreurs n’a publié son droit, la préférence ira à celui dont le titre a acquis date certaine. Si les deux titres ont date certaine - de même si les deux ne l’ont pas - le plus ancien en date prévaut sur l’autre.
          Le premier acquéreur ne pourra dans ce cas plus revendiquer le transfert de propriété, mais il peut le cas échéant faire jouer une clause pénale ou réclamer des dommages-intérêts au vendeur.
          Par contre, en cas de mauvaise foi de l’acquéreur, c.-à-d. si ce dernier a connaissance de l’antériorité du titre du premier acquéreur au moment où il signe son propre compromis, la jurisprudence estime qu’il y a faute dans le chef du deuxième acquéreur et que de ce fait il ne peut pas invoquer à son profit les règles d’opposabilité de la publicité foncière.

           

          1 Lex Thielen est avocat à la Cour et auteur des livres "Les professions de l’immobilier en droit luxembourgeois", Editions Larcier, 2010, "Le contrat de bail", Editions Promoculture/Larcier 2013, "Tout savoir sur l’immobilier", Editions Promoculture/Larcier (1ère édition 2015, 2e édition novembre 2016)  et "Immobilienrecht in Luxemburg, einfach erklärt" Editions Promoculture/Larcier 2016. Le présent article a déjà été publié dans le numéro 64 – février 2011 de habiter.lu, et a été actualisé.
          2 Cour de cassation (civile) 26 mars 2009, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 34, n° 4/2009, p. 407.
          3 Cour d‘appel (civil) 12 décembre 2007, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 34, n° 3/2008, p. 81.
          4 Cour de cassation (civile) 14 juillet 2009, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 34, n° 4/2009, p. 4.
          5 Cour d’appel 22 octobre 2008, Bulletin d’information sur la jurisprudence de la Conférence du Jeune Barreau de Luxembourg (BIJ), 2009 p. 2.
          6 Cour d’appel 16 avril 2008, BIJ 2009 p. 24.
          7 Cour d’appel 10 décembre 2003, JurisNews Construction et Immobilier, vol. 1 n° 01/2007 p. 1.